OÙ VONT LES PIERRES ?
Le devenir des pierres de construction sur le territoire de
la CCRN
Mars 2018 DTM 44 DREAL
des Pays de la Loire
Etat des lieux de la prise en charge des pierres issues de travaux sur le territoire de la Communauté de communes de la région de Nozay.
https://www.cerc-paysdelaloire.fr/sites/default/files/files/Economie_circulaire/1804-ETUDE-DevenirPierresConstruction-Rapport.pdf
Cette étude a été réalisée par la Cellule Economique Régionale de la Construction des Pays de la Loire (CERC) avec la Direction Départementale
des Territoires et de la Mer de Loire-Atlantique (DDTM 44), avec le soutien de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement des Pays de la Loire (DREAL) et la participation de la Communauté de
communes de la région de Nozay (CCRN).
Titre 1 Eléments du contexte territorial
Partie 2 : Une empreinte minérale omniprésente sur le territoire
II. LA RICHESSE DU SOUS-SOL
La pierre bleue
Le territoire de la CCRN est situé sur la veine de schiste présente de l’Anjou à la Bretagne.
La pierre bleue, caractéristique du territoire, est un schiste formé il y a 370 millions d’années.
Sa formation a été la résultante des mouvements géologiques, des hausses de pression et des hautes températures et le métamorphisme de l’argile en schiste.
La pierre bleue, schiste sub-ardoisier, se délite en bloc insuffisamment fin et fissible pour un usage en couverture comme l’ardoise exploitée à Trélazé.
Elle offre en revanche des possibilités d’usage en palis, en pierres de taille voire même en sculpture.
Elle présente des teintes variables, passant de nuances de gris clair et de bleu pâle et s’assombrissant sous la patine du temps. La pierre présente parfois des reflets ocre lorsqu’elle est chargée en
oxyde de fer.
L’exploitation de la pierre bleue - source ASPHAN
Si les plus anciennes constructions en pierre bleue encore présentes sur le territoire remontent au Moyen-âge, l’utilisation a atteint son apogée aux XVème
et XVIème siècles. Pendant les trois siècles suivants, la pierre bleue cesse d’être utilisée par la noblesse et la bourgeoisie. Elle reste toutefois le matériau de construction privilégié en milieu
rural et agricole. Vers 1870, la pierre bleue connait un renouveau grâce à la modernisation de l’extraction.
L’activité extractive dynamise
l’économie locale et constitue la principale industrie du territoire. Avant la première guerre mondiale plus de 300 ouvriers vivaient de cette activité répartie dans une trentaine de carrières.
L’avènement du béton dans les années 1930 et ses avantages en termes de rentabilité et de facilité dans la manipulation signe la fin du développement de l’industrie
extractive.
L’activité décline progressivement jusqu’aux années 1960-70 avec la disparition progressive de la plupart des exploitations
et le remblaiement des carrières.
A ce jour, il n’existe plus qu’une seule carrière en activité à Coisbrac sur le territoire de
la CCRN qui exploite cette pierre avec des techniques modernes.
La pierre bleue a eu des usages très variés : matériau de construction (en dallage,
en appareillage, en linteau et en entourage des ouvertures), en clôture (en particulier avec les palis dressés qui constitue une particularité locale), en poteaux pour les vignes ou encore en utilisation pour les parcs ostréicoles.
L’extraction traditionnelle de la pierre bleue commence par la découverte (le décapage de la végétation de lande et de l’humus).
Le carrier tire la roche du front de taille et descend par palier.
Pour assurer le décollement
des blocs, un marteau et des coins sont insérés dans le feuilletage naturel de la roche afin de créer une fente.
Les diaclases, fractures naturelles
de la roche, délimitent des bancs de longueurs variables d’une carrière à l’autre.
Les carrières se trouvaient ainsi «spécialisées
» dans des types de produits finis.
Le carrier utilise aussi la poudre noire qu’il place dans des trous percés à la « chanteperce
» pour décoller verticalement les blocs du front de taille.
Pour remonter, les blocs ainsi détachés, les carriers les chargent sur des wagonnets
plats positionnés sur des rails.
Un treuil activé manuellement hisse les wagonnets hors de la carrière.
Il n’y a pas toujours de wagonnet et de rail, alors les morceaux sont hissés directement sur le sol du plan incliné. Les morceaux plus petits sont remontés dans des wagonnets-bennes
ou laissé sur place pour remblayer les zones extraites.
Le travail de taille se fait sur place. Les blocs mis sur chant sont aplanis grâce au marteau-taillant.
Cet outil qui servait aussi à creuser les auges, tient de la pioche et du marteau et a deux extrémités affûtées d’une largeur différente.
Il pouvait peser jusqu’à 11 Kg.
Les carriers travaillent toute la journée, et par tous les temps.
Pour se protéger du vent, ils confectionnent des « tue-vent », sortes de grands panneaux de genets et/ou de bruyère. Avec des résidus de pierre, ils construisent aussi des abris en pierres
sèches.
PARTIE 3. L’ARCHITECTURE LOCALE MARQUEE PAR LA PIERRE
I. L’ARCHITECTURE COMME TEMOIN DU PASSE
Les visites réalisées sur le territoire
mettent en évidence l’importance du patrimoine en pierre dans le bâti ancien.
Outre le bâti des centre-bourgs, corps de fermes et édifices
architecturaux en pierres apparentes et les ouvrages caractéristiques du secteur géographique (granges et clôtures en palis), il existe également un patrimoine que l’on pourrait qualifier d’imperceptible.
Il peut s’agir aussi bien de murs enduits, de canalisations souterraines (exemple d’une rivière souterraine encastrée dans un ouvrage en pierres sous le centre-bourg
de Nozay) que d’anciennes carrières désaffectées qui pour certaines ont préservé un stock important de pierres débitées, taillées.
L’appareillage des murs en moellons témoigne des bouleversements vécus par le territoire. Ainsi, l’utilisation de linteaux en accolade (période médiévale) en appareillage de mur atteste d’évènements
de reconstruction du bâti local.
Les services de la DRAC témoignent du caractère exceptionnel de ce patrimoine en pierre bleue.
Peu de territoires présentent une telle concentration d’ouvrages en pierres de schiste de cette nature.
II. UN RESSENTI CONTRASTE SUR LA PIERRE NATURELLE EN CONSTRUCTION
Les témoignages font état d’une réhabilitation de la pierre depuis la
fin des années 1990.
Cet attrait nouveau fait suite à un délaissement intervenu avec l’apparition des modes constructifs modernes (en particulier
avec l’apparition du béton en construction).
La pierre, et en particulier la pierre bleue, a pu, pendant un certain temps, faire l’objet d’un rejet
pour différentes raisons (manipulation difficile, évocation d’une industrie en déclin, aspect « funéraire »…).
La prise
de conscience générale des résidents pour l’attrait et la valeur patrimoniale de la pierre, en particulier de la pierre bleue, et de l’identité forte qu’elle confère au territoire est apparue récemment,
notamment sous l’impulsion des associations de sauvegarde du patrimoine.
Selon les témoignages, il existe encore des sentiments partagés au sujet de
la pierre quant à l’opportunité d’en prolonger son usage en construction et d’en prévenir sa disparition.
EN CONCLUSION
Les pierres ordinaires, un gisement soumis à un risque de dispersion ?
Les pierres qualifiées de nobles ou ornementales, en premiers lieu desquels les palis de schiste ardoisier de Nozay, les linteaux, les pierres d’angle font l’objet
d’une attention particulière, de la part de la maîtrise d’ouvrage lorsque celle-ci sont identifiées en amont du chantier ou de la part des entreprises qui interviennent lors des travaux.
Ces pierres ne constituent pas à ce jour un enjeu clairement identifié de la part des acteurs rencontrés, ces pierres étant en grande majorité préservées des circuits
traditionnels dévolus aux excédents de chantier.
En revanche, les pierres que l’on pourrait qualifier de banales, constituées principalement
de moellons en pierre brutes ou grossièrement taillée ne font pas l’objet d’une attention particulière de la part des différents intervenants impliqués sur un projet.
Différentes raisons expliquent ce constat. Les moyens humains, économiques, les solutions de prise en charge, l’adéquation de l’offre et de la demande en pierres sont autant de freins
au réemploi, à la réutilisation des pierres ordinaires.
Mais au-delà de l’usage de la pierre en tant que matériau de construction
se pose celle de sa valeur patrimoniale, historique.
La pierre, et plus particulièrement la pierre bleue en Pays de Nozay, constitue un pan de la mémoire
du territoire.
L’industrie extractive a contribué au développement économique du territoire en mobilisant nombre d’ouvriers.
Les pierres extraites, fruits du labeur des hommes dans des conditions de travail exigeantes ont permis l’édification du bâti local et ont également offert
un rayonnement extérieur au territoire, notamment par la production des piquets destinés aux vignes ou aux parcs ostréicoles.
Si l’extraction
locale de la pierre bleue subsiste aujourd’hui sur un site unique à Nozay, le matériau extrait est destiné à des usages autres que celui du bâti.
Il est principalement exporté à l’extérieur du territoire.
Il n’existe donc plus à ce jour de production
de pierres destinée à un usage local en construction et il n’est pas identifié non plus de besoin manifeste de la part des maîtres d’ouvrage, des professionnels ou des particuliers.
Mais si la pierre naturelle ne fait pas l’objet d’une demande forte, supérieur au gisement existant mais diffus sur le territoire, se pose la question d’une réflexion à
moyen et long terme, sur la préservation du patrimoine bâti, sur l’éventualité d’un besoin futur en pierres pour cet usage ou non.
La
volonté de préservation du patrimoine bâti semble relativement partagée sur le territoire. Elle est avant tout portée par associations locales comme l’ASPHAN et les architectes des Bâtiments de France qui œuvrent
pour la préservation du patrimoine bâti en pierres naturelles mais également par les acteurs économiques.
Les témoignages des collectivités
des entreprises et des artisans du territoire montrent que la préservation du patrimoine bâti est une aspiration commune.
Eviter la démolition constitue
le meilleur remède au maintien du bâti local et des pierres qui le constitue.
Une opération de démolition est généralement réalisée
dans la cadre d’un projet de réhabilitation, de construction neuve, de bâti ou d’infrastructure. Dans ce contexte, il est souhaitable qu’une réflexion soit menée le plus tôt possible sur l’intégration
du projet à l’existant.
L’instauration du permis de démolir, exigé dans le cas des secteurs sauvegardés ou bâtiments inscrits
au titre des monuments historiques peut également être rendu obligatoire par décision du conseil municipal à l’ensemble d’une commune.
Cette
démarche offre aux décideurs et représentants de la collectivité la possibilité d’anticiper les destructions de bâti ancien et ainsi de réguler la disparition du patrimoine en pierre.
Le permis de démolir offre un regard sur l’ouvrage à démolir, aussi bien dans le cas d’une démolition totale que partielle. Dès lors, il constitue
un levier d’action disponible pour la collectivité pour prévenir d’une destruction des bâtiments jugés remarquables.