Jean FRÉOUR : INDÉPENDANCE ET LIBERTE
par Yvon le Bihan, expert de l’artiste
Aller à la rencontre de Jean Fréour est une aventure dont les marques indélébiles nous cernent notre vie durant,
tant l’homme est surprenant et l’artiste inclassable. Un être d’exception dont le talent et le génie illuminent notre vie. Et pourtant, humble, modeste tel un ermite de l’art dont la vie d’ascète règle
le quotidien. Il est un passeur de vie, d’histoires et de mémoires, que dis-je, un monument pour qui l’humanisme est une référence mais dont l’éblouissant travail d’artisan dépasse le sens commun tant
la perfection anatomique, la sensualité des formes et l’art du mouvement, donnent vie à ses créations.
Une solitude monacale
Il est un passionné, amoureux de la vie, homme d’art et de culture dont les chefs-d’œuvre
nous entrainent vers le rêve et l’imaginaire. L’amateur du Beau est récompensé. Que de grâce dans ses nus ou ses drapés. Jean Fréour est toujours en recherche d’indépendance et de liberté.
Intransigeant, il prône le professionnalisme dans cet art si exigeant et rare du sculpteur-statuaire. C’est un perfectionniste qui vit dans la solitude monacale. Isolé du monde extérieur, accompagné de son égérie,
sa femme attentive, attentionnée, inspiratrice dont la présence permanente l’inspira et qui fut l’étincelle éblouissante pour la création de ses nus dont il avait réalisé les premières esquisses
dans sa prime jeunesse.
La face cachée de l’homme
Jean Fréour est un artiste atypique, aquarelliste, dessinateur, écrivain, poète, céramiste, conférencier, caricaturiste, mais essentiellement sculpteur.
Les vies de l’artiste aux multiples talents permettent de nous introduire dans l’intimité de la « face cachée de l’homme ». Il disait justement que : « la sculpture est un mot rare, un des très rares
mots « clé » qui ouvrent à la joie, à cette joie silencieuse qui illumine la vie. Le grand chef-d’œuvre fait oublier le créateur qui ne cherche pas à imposer ses traits personnels mais s’efface
devant la perfection à atteindre. L’essentiel en art est de sentir et non de disséquer ».
Le regard qu’il portait sur ses choix de liberté et d’indépendance, il l’a exprimé en 1986. Je
ne puis me soustraire à ces écrits qui sont tellement évocateurs de sa démarche : « N’est- ce pas en vain que j’ai tenté de révéler l’éternelle Beauté du monde par les moyens
les plus simples, mais avec la technique la plus rigoureuse et donc la plus exigeante ? J’ai follement espéré que, nourri de ce qu’il y avait de plus profond en moi, l’œuvre, sans référence à la mode
ni système de métier, se dresserait impersonnelle et d’une certaine manière intemporelle. Car je crois que la véritable personnalité se fortifie davantage dans l’effacement total. Ainsi m’aurait –il
fallu une humilité absolue en face de la nature et de l’œuvre à accomplir, et dans le même temps, un orgueil souverain pour oser l’entreprendre. Cet orgueil, en me faisant refuser la sécurité d’une
voie officielle et le soutien d’amis bienveillants, n’a sauvegardé mon indépendance que pour me jeter dans un dangereux isolement. Puissent du moins ces œuvres exprimer un peu de la pureté silencieuse et sérieuse
de mon regard sur le monde ».
Ironique et spirituel
Homme de caractère, son humour parfois grinçant nous révélait une autre facette de son tempérament, à la fois ironique et spirituel. Sa force
de caractère était un atout déterminant dans ce métier exigeant. Respectueux des formes, mais toujours avenant quand on respectait son éthique, le Maître n’était pas un trublion impertinent, mais pour lui
le temps était sacré, et même compté.
Sa passion pour son art, toujours vive, voire « incandescente » jusqu’à son départ en juin 2010 est un exemple à suivre pour qui voudrait épouser
ce métier.
Si l’art de la Renaissance était sensuel, magnifiant le corps humain dans un esprit panthéiste, à l’opposé Jean Fréour, tel les Grecs, transcende la Beauté et la spiritualise. Ainsi
son inspiration est celle d’Athènes et non de Rome. On est séduit par son œuvre, par la diversité des matériaux, de l’inspiration allant des vastes compositions allégoriques ou religieuses aux portraits
et scènes familières.
Dans toute son œuvre règne une paisible assurance et pourtant l’artiste est un insatisfait permanent en recherche du Graal inaccessible. Il a consacré sa vie à son art, livrant le
combat à la matière brute. Homme de foi, il ne répond certes pas à l’impératif de Fra Angelico : « Pour peindre les choses du Christ il faut vivre avec le Christ » mais plus à la réplique de
saint Clément d’Alexandrie qui disait : Pourquoi aurais-je honte de montrer ce que Dieu n’à pas eu honte de créer » .
Un artiste inspiré
Il est vrai que ses chastes nus pudiques en sont un exemple,
dans des lignes simples et pures, remarquables. Ainsi son jeune Éphèbe, admirable bronze, statue d’adolescent nous rappelle Éros, genre très apprécié par les artistes grecs de la fin du IV siècle avant
Jésus-Christ. Et sa Diane Chasseresse brandissant son arc pour tirer une flèche contre un cerf a une attitude identique à celle d’une Diane Chasseresse découverte à Utique et datant de la fin du IIè siècle
après Jésus-Christ. Jean Fléour est un artiste « inspiré » dont les repères sont justifiés. [...]
Son art est un art d’excellence, Fréour est un sculpteur dont la virtuosité et
le génie sont à l’égal des plus grands.
Extraits de : http://villedelocronan.fr/jean-freour